Note de lecture sur un rapport IESF

Posté le Lundi 27 Juin 2022 à 12:10 par MicheleSellier (935 lectures)

Nous recommandons à votre lecture la revue du premier trimestre 2022 de l'AFAE (association française des acteurs de l'éducation -www.afae.fr-).
Ce numéro, qui traite de la conduite du changement, a été coordonné par A. Boissinot, B. Dizambourg et I. Klépal et vous pouvez accédez au sommaire grâce au lien https://www.afae.fr/produit/n-174-la-conduite-du-changement/
Alain Boissinot y a notamment rédigé la note de lecture ci-dessous à la suite du document qu'IESF a produit sur la Prise en compte par l’Éducation Nationale des évolutions de l'apprentissage.

Note de lecture d'Alain BOISSINOT sur le rapport IESF Évolutions de l'apprentissage (mars 2022)

Rédigé par d’excellents connaisseurs du système éducatif, et notamment des formations professionnelles, ce travail collectif permet de prendre la mesure des évolutions et des développements récents de l’apprentissage.

Depuis de nombreuses années, les gouvernements successifs ont tenté de développer une voie de formation qui n’a pas, en France, la place qu’elle occupe dans d’autres pays et qui, pourtant, est un outil précieux en matière d’insertion professionnelle des jeunes.

La loi de 2018 « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » a introduit des réformes très importantes en matière de pilotage et de financement de l’apprentissage, et a rendu ceux-ci plus souples et réactifs : elles ont permis une augmentation très significative des entrées en apprentissage (+ 7 % entre 2018 et 2019, + 40 % entre 2019 et 2020). Autant de données sur lesquelles il est très utile de tenter un premier bilan quantitatif et qualitatif.

La nouvelle loi a modifié profondément l’organisation de l’apprentissage. Le financement de la section d’apprentissage est remplacé par un financement à l’apprenti. Le dispositif est piloté par un nouvel établissement public à caractère administratif, France Compétences, chargé du financement de l’apprentissage mais aussi de veiller à la qualité et à la régulation des formations. Les anciens OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés) sont remplacés par onze opérateurs de compétences (OPCO). Si ces mesures ont été accueillies favorablement par les entreprises, elles posent en revanche un problème aux régions, qui se retrouvent dessaisies de responsabilités importantes en matière de formation professionnelle, et fragilisées dans leurs compétences en matière d’orientation et d’insertion des jeunes, ou dans leur lien avec les lycées professionnels : Jean-Louis Nembrini, vice-président de la région Nouvelle-Aquitaine, s’en est inquiété dans plusieurs contributions à notre revue.

Pour ce qui concerne plus directement l’Éducation nationale, le rapport éclaire plusieurs points importants. D’abord, le constat d’un développement global de l’apprentissage appelle quelques nuances. Pour une part, il tient au changement de contrats de professionnalisation en contrats d’apprentissage. D’autre part, il affecte inégalement les différents niveaux de formation : selon une tendance qui n’est pas nouvelle, l’apprentissage attire plus à des niveaux élevés de formation qu’aux premiers stades de qualification. Ce ne sont pas majoritairement les plus jeunes qui sont accueillis, surtout s’ils sont en difficulté : en témoignent d’ailleurs les fragilités des dispositifs de préapprentissage destinés à ces publics. Ce constat amène les auteurs du rapport à se demander si l’on n’assiste pas surtout à un transfert de jeunes qui auraient de toute façon été qualifiés de la formation scolaire vers l’apprentissage, le gain en matière de formation des publics les plus fragiles étant minoré d’autant.

Par ailleurs, le nouveau dispositif entraîne pour les académies, les EPLE et les GRETA des réorganisations qui sont en cours et un surcroît de travail administratif et comptable. Mais il est aussi un atout pour l’Éducation nationale : il incite les EPLE à sécuriser les parcours des élèves en développant la mixité des formations et en protégeant les élèves en cas de rupture de contrat. La porosité entre formations sous statut scolaire, sous contrat de travail, et en formation continue est à la fois une ressource pédagogique et un moyen d’assurer des offres cohérentes et complémentaires.

Ces analyses conduisent les auteurs du rapport à présenter de nombreuses préconisations concernant l’Éducation nationale : l’apprentissage doit trouver toute sa place dans les projets des académies et des établissements. Son développement doit conduire à réformer le fonctionnement des lycées professionnels et à réfléchir à l’articulation avec les LEGT. La qualité des formations mises en place est un enjeu essentiel, ainsi que l’accompagnement des élèves dans leurs parcours. On peut également envisager de modifier le statut des rectorats pour en faire des établissements publics à caractère administratif, mieux à même de dialoguer avec France Compétences et d’articuler les différentes voies de formation. Le nouveau dispositif ouvre donc de nombreux chantiers pour l’Éducation nationale qui dispose de belles opportunités, d’autant que les oppositions à l’apprentissage qui s’exprimaient souvent dans le milieu des lycées professionnels semblent en net recul, dès lors que ceux-ci intègrent la logique de mixité et de complémentarité des parcours.

Alain BOISSINOT