Rencontre IESF du 14 décembre 2022 avec Alain Bouvier

Posté le Dimanche 18 Décembre 2022 à 17:45 par MicheleSellier (491 lectures)

Le recteur Alain Bouvier a inauguré mercredi 14 décembre notre série de Rencontres IESF.
Il nous a fait partager ses reflexions  sur l'école française après la crise.
Il nous en propse une synthèse éclairante que vous pouvez lire ci-dessous.
IESF le remercie chaleureusement pour son intervention.

 

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L’école française peut-elle encore nous faire rêver ?
 

En septembre 2021, je pensais que le chant du mocking bird employé dans l’ouvrage(1) que je venais de publier allait pouvoir s’arrêter. Après la crise, j’espérais que le milieu enseignant, depuis chaque professeur jusqu’au ministre, allait tirer les leçons des constats faits quotidiennement pendant cette période cruellement révélatrice du triste fonctionnement de « l’école à la française ». Je reconnais que rien de tel ne s’est produit et qu’aucune leçon collective n’en a été tirée, ni par le terrain, ni par les pouvoirs publics. L’école française n’est pas apprenante ! J’en suis donc venu à rédiger un petit essai irrévérencieux(2), qui fait le point sur le moment présent, puis évoque un futur pour l’école en France. N’en déplaise aux statuquologues( 3), j’ose affirmer que seul le « comment ? » est révolutionnaire.

L’école du futur dont je rêve prendra en compte les riches possibilités que lui offrent les multiples usages du numérique. Les innovations pédagogiques sont rendues possibles et elles contribueront au développement professionnel des enseignants, parent pauvre de la corporation.

Ensuite, sous la poussée des crises à venir (sanitaires, climatiques, migratoires, économiques…), une autre forme scolaire va se construire, de façon variée suivant les pays, en s’appuyant sur plusieurs modalités d’école hybride. Le distanciel, très limité au niveau scolaire français va lentement s’amplifier, valorisant l’autonomie des élèves, des professeurs et le rôle des familles. Cela va nécessiter que le corps enseignant se forge une autre culture de l’évaluation, fasse des retours d’expériences et procède à des rétroactions.

À la bureaucratie injonctive, descendante et paralysante de notre système éducatif français devra succéder, sur le terrain, une organisation réticulaire horizontale des 60 000 établissements scolaires, leur donnant l’importance qu’ils méritent, en leur accordant autonomie et responsabilités.

Un nouveau métier d’enseignant succèdera à l’actuel qui a perdu son attrait et fait fuir une partie des professeurs en poste. Les nouvelles missions devront valoriser l’accompagnement individuel des élèves, la coopération entre pairs, les alliances avec les parents d’élèves et les diverses parties prenantes, ainsi que des partenariats avec la société civile, le monde du sport, des entreprises, de la culture, de la recherche, etc.

Enfin, last but not least, cet ensemble de pistes, mises en système, s’inscrira dans un « État autrement(4) » qui assurera ses responsabilités seulement sur les missions, sur les valeurs, sur les finalités et qui apportera son appui au terrain enfin libéré des jougs bureaucratiques.

Oui, l’école française peut encore nous faire rêver !



 

Recteur Alain Bouvier
Professeur associé à l’université de Sherbrooke
alain.bouvier29@gmail.com


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(1) Alain Bouvier (2021) : Sur l’école à la française. Propos d’un mocking bird, collection Aurora, Paris, L’Harmattan.
(2) Alain Bouvier (2022) : L’école de mes rêves. Nouveaux propos d’un mocking bird, collection Aurora, Paris, L’Harmattan.
(3) Selon le terme que j’ai introduit dans mon précédent livre.
(4) Comme l’entendait Michel Rocard et la deuxième gauche.